Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

TONNERRE DE ZEF

TONNERRE DE ZEF

blog d'OLIER LE BRIS, auteur des aventures d'Olivier Féas en Bretagne et en Nouvelle-France, au XVIIIe siècle.


LES COLOMBINS AU FIL DE LA PENFELD (BREST 1919)

Publié par François OLIER sur 8 Février 2020, 15:36pm

Je ne résiste pas à vous faire partager ce petit article signé "E.A." cueilli dans la Dépêche de Brest de l'année 1919 qui nous permet de nous retrouver sur les bords de Penfeld, et, en quelques lignes de nous rappeler des lieux de balades aujourd'hui disparus : la digue, la chapelle-Jésus, la gendarmerie du Goyen, etc.

Petit clin d'oeil de l'actualité, la mention du "canot du prince de Joinville", longtemps co-locataire du "canot de l'Empereur" dans les hangars de la Digue...

 

« Au fil de l’eau…

Tous les Brestois connaissent la Digue (1). C’est l'une des plus jolies promenades des environs immédiats de notre grande cité ; aussi, nombre de nos concitoyens fréquentaient-ils, avant la guerre, les ruisseaux chantants et les frais ombrages de la chapelle Jésus. Et puis, dans l’eau claire coulant entre les rives verdoyantes, on prenait plaisir à taquiner les beaux mulets d’argent qui tournaient en rond autour des lignes fixées à bout de gaules.

Hélas ! nous étant rendu ces jours derniers à l’établissement des pupilles de la marine (2), nous avons eu le regret de voir qu'un grand nombre des beaux arbres de la rive droite de la Penfeld étaient tombés sous la cognée des bûcherons. Un sabotier s’est même établi dans l’ancienne chapelle (3), toute couverte de lierre, et un gros chien, faisant voir des crocs terribles, interdit l’entrée de ce lieu ravissant.

Et puis, ce n’est pas tout. La Penfeld jolie charrie maintenant des... des... C’est bien cela ; c’en est. Et il ne s’agit pas, vous entendez bien, de quelques « sentinelles » se pavanant çà et là au fil de l’eau, mais d’une longue théorie de matières innommables qui, poussées par le courant, viennent se masser devant le barrage établi près du pont de la Digue.

L’état de ce bras de... mer est tel que M. le chef d’état-major du préfet maritime, qui emprunte généralement cette voie pour se rendre, en vedette, à la distribution des Prix des pupilles, a préféré samedi, subir les cahots de la vieille berline tirée par les deux postiers bretons de la Villeneuve.

Or, dans l'anse située près de la gendarmerie du Goyen (4), où pénètre l’eau immonde, chargée de bacilles de toutes sortes, des jeunes filles baignaient, ce jour-là, leurs charmes.

Plus loin, l'onde était d’une limpidité parfaite ; mais un écriteau indiquait qu’il était défendu de faire la trempette à cet endroit. N’ayant pas le choix, les nymphes, voulant à tout prix combattre les effets de la chaleur, s’étaient plongées dons le bouillon de culture. Que Dieu les protège.

Enfin, lorsque nous fûmes arrivés devant hangar où le canot blanc et or du prince de Joinville (5) achève paisiblement sa carrière, la brise nous apporta de nouvelles et âcres senteurs. Il n’y avait pas à s'y tromper... c’en était encore. Mais le parfum ! cette fois, ne montait pas de l’eau ; il descendait au contraire du plateau où les prisonniers de guerre (6), sans trop s’en faire, attendent leur rapatriement. Deux immenses fosses à ciel ouvert sont là, et, nuit et jour, les gaz boches qui s’en échappent, portés par le vent, empoisonnent tout le pays. Il n’y a pas à dire, ces gaillards-là continuent à nous... ennuyer.

Bref, passer actuellement le long de la Penfeld est devenu impossible sans se boucher le nez. Attendra-t-on le retour d’une épidémie de grippe infectieuse pour prendre les mesures d’hygiène indispensables ? E.A. ».

Source : La Dépêche de Brest, du 29 juillet 1919.

 

undefined
à droite), ponceau sur le Chemin de halage. Le chemin de halage, rive gauche, appartenant à la Marine a été construit de 1809 à 1812. Le chemin de la rive droite est resté à l'état de projet (1853-1854).

Notes :

(1) - La Digue - Vous en saurez plus en lisant mon billet de 2015 sur la Digue

(2) - Pupilles de la Marine - établissement fondé par décret du 15 novembre 1862 et installé dans l'ancien grand Séminaire des Jésuites de Brest. Il y reste, rue de la Mairie, jusqu'en 1883, date de son transfert à La Villeneuve.

(3) - Ancienne chapelle - aujourd'hui disparue, localisée à l'entrée du complexe sportif de la Cavale-Blanche. Lieu de pélerinage avant la Révolution, pendant sur la rive droite de la chapelle ruinée de Saint-Guénolé en Lambezellec (rive gauche de la Penfeld). Son souvenir est resté vivace à Brest au travers des paroles de la chanson d'Henri Ansquer (1913) : "la complainte de Jean Quéméneur". En 1919 la chapelle était déjà ruinée... et son pardon appartenait à la légende brestoise

(...)"Ils s'en allèrent bras d'sous bras d'sus

au pardon d'la Chapelle Jésus..."

(4) Gendarmerie de Goyen - sur l'anse Goyen voir mon billet de 2015. Le poste de gendarmerie maritime de l'anse Goyen devait à l'origine (1865) être construit sur le plateau du Bouguen. Mais en raison de sa proximité avec celui du Moulin-à-poudre, il fut repoussé en 1866-1867 à l'anse Goyen. Il était essentiellement chargé de la surveillance des bois de la marine et des accès amont à la Penfeld.

(5) - Canot du prince de Joinville - Moins connu que le "canot de l'Empereur", sa conserve de hangar à la Digue, en 1919. L'Histoire du canot du prince de Joinville et des canots de parade brestois reste à écrire. Voici ce que je peux vous en dire sur celui "dit du prince de Joinville". Aurait été construit vers 1811 ? et probablement renommé à l'occasion du séjour à Brest du prince de Joinville entre  1834 et 1846, bien que Jean Foucher n'en dise rien dans son article publié dans les Cahiers de l'Iroise (n°4-1965). En 1905 pour son envoi à Cherbourg pour la visite du roi d'Espagne il avait été repeint en blanc avec une bordure vert d'eau et or. Cette embarcation à clins de quatorze mètres rappelait plutôt une baleinière... On le reconnaissait à la figure de proue : un sphinx couché sur des roseaux ; tandis que le haut de son gouvernail représentait un monstre marin à la gueule ouverte... En 1893 il est utilisé à Brest par le président Sadi-Carnot, en 1896, par le président Félix Faure, puis en 1898 par le ministre de la Marine Lockroy. En 1905 il est envoyé à Cherbourg pour être mis à la disposition du président Loubet lors de la venue du roi d'Espagne, etc.

(6) - prisonniers de guerre - logés à Brest sur le plateau du Bouguen et dans des baraquements sur le "plateau de Penfeld", auj. Bellevue, bordure rive gauche du pont de la Cavale-Blanche. Les baraquements étaient abandonnés en janvier 1920 et les prisonniers de guerre rapatriés.

 

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents