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TONNERRE DE ZEF

TONNERRE DE ZEF

blog d'OLIER LE BRIS, auteur des aventures d'Olivier Féas en Bretagne et en Nouvelle-France, au XVIIIe siècle.


AU MAGASIN GENERAL DE LA MARINE DE BREST (1697)

Publié par OLIER LE BRIS sur 31 Juillet 2017, 09:58am

Catégories : #Histoire, #Evènements

LA PLUME ROUGE vous propose :

 

 

UNE BATAILLE DE BOULES DE NEIGE...

 

Cette petite perle datée du 6 décembre 1697, extraite de la correspondance de Hubert de Champy des Clouzeaux (ca. 1630-1701), intendant de la Marine au port de Brest adressée à Louis de Pontchartrain (1643-1727), secrétaire d'Etat pour la Marine. Les petites "incommodités" relatées ci-après sont des incidents internes à la Marine entre soldats des compagnies franches et matelots. Ce fait-divers est aussi l'occasion pour moi de vous proposer une monographie sur le "Magasin général" de la Marine, appelée aussi "Grange de Brest" (1658).

 Dans la première partie de sa lettre, Des Clouzeaux rend compte au ministre de dispositions prises par lui intéressant la flotte du Ponant, puis il poursuit :

"Le trouble que les soldats causèrent avant-hier dans le magazin général* a pensé arriver desja plusieurs fois. Car comme ils s'assemblent tous les jours dans le parc* devant le magazin général pour monter la garde, la pluye survenant souvent, cela les oblige à se mettre à labry dans led[it] magazin, les uns fumant avec leurs pipes et les autres attentifs à observer s'ils ne pouront point desrober quelques choses de manière que les gens du magazin ne sont alors pas peu occuppés à prendre garde que ces soldats ne fassent ny incendie ny pillage.

Cette incommodité n'est pas seulle car l'oisivetté ou sont ces soldats pendant environ deux ou trois heures qu'ils sont a attendre celle de défiler pour la garde, fait qu'une partie d'iceux se mesle souvent parmy les charpentiers qui travaillent dans le parc pour le radoub du vaisseau qui est dans la forme, lesquels conversant les uns avec les autres cela empesche lesd[its] charpentiers de travailler.

Il y a encore une autre incommodité qui est que ces soldats s'assemblant aud[it] endroit dans un temps de neige, il en arrive du desordre par ce que y ayant tousjours quelques matelots qui vont au magazin et au bureau des classes, lesquels estant obligés de passer parmi ces soldats, comme il y a de tout temps entre eux une espece d'antipatie, il se trouve toujours quelque matelot blessé par ces soldats mettant souvent des pierres dans leurs plottes de neige qu'ils leur jettent.

Mesmes les escrivains* du magazin general sont exposez aux mesmes insultes en se rendant à leur poste.

Pour remedier à tous ces désordres, Monseigneur est supplié d'ordonner que les soldats s'assemblent dans le champ de bataille* ou ils font ordinoirement l'exercice et de là desfiler pour leur garde ; Ils n'auroient que quelque pas à faire davantage et ce qui leur aprendroit a marcher, ce qu'ils font très mal, et leur deffendre de plus s'assembler dans led[it] parc pour monter la garde (…).

Ce qu'ils firent !

 

Source de l'anecdote : Arch. SHD Marine Brest, 1E 474 , p. 371-376, lettre du 6 décembre 1697.

 

le chantier devant les magasins avec deux détails marqués (g) : "parque[t] servant aux boulets" et (h) forges pour les constructions (SHD Marine Vincennes, coll. Nivart, Ms. 144-199)

Notes :

"Magazin general" - "Le vieux magasin" - A l'origine situé en bord de Penfeld, côté Brest, rue de la Rive, la première mention d'un magasin général remonte au règne de François Ier (1494-1515) à une époque où l'importance de la flotte et de son avitaillement restaient balbutiants. Le rapport d'inspection de Leroux d'Infreville, commissaire général de la Marine, de passage à Brest (1631) décrivait le magasin général : "ancien magasin situé sur le bord du canal de la rivière, à présent ruiné, ne restant que les quatre murailles, bâti du roi François Ier, lieu fort commode pour la marine". Ce magasin général ou "grange de Brest" fut relevé en 1631, - probablement au même endroit -, par Jean Le Chaussec qui exécutait les ordres d'André Ceberet, premier intendant envoyé par le cardinal de Richelieu. Le bâtiment est reconnaissable dans la Topographie de Brest, de Petit (1640) où il est représenté côté ville et dans la vue cavalière attribuée au chevalier de Clerville (1667) où il est dessiné "côté Penfeld", légendé : "le grand magasin".

Il faut attendre le séjour de Seignelay, fils de Colbert, à Brest en mai 1681 pour que les approvisionnements contenus dans le Magasin général, devenu entretemps le "vieux magazin", soient transférés à l'intérieur du nouvel arsenal, dans les nouveaux magasins pour les "cordages, bray et goudron" (1667-1668) situés à main droite du Troulan immédiatement après la Tour de l'horloge. Le vieux magasin, bien que situé à l'extérieur de l'arsenal, environné de maisons, cale et fontaine dites du Rocher, dans un quartier fréquenté par des civils, fut rapidement transformé en "hôtel" des gardes de la marine ; il le demeura jusqu'en 1751, époque à laquelle "l'école de cadets" rejoignit l'hôtel de Crèvecoeur - ou Saint-Pierre - qui avait été loué puis acheté (10 août 1752) par la Marine pour leur usage. Le vieux magasin quant à lui fit l'objet d'un plan de démolition de la ville de Brest (1756-1761) qui dégagea les constructions d'une partie de la rue de la Rive pour faciliter l'accès à la Penfeld et au port de commerce civil relégué, côté Brest, au quai sous le château.

 

"Le nouveau magasin" - celui de notre fait-divers de 1697- se situait à l'emplacement de l'ex-Majorité Générale et de son parking, à hauteur du poste n°5, le "P5", actuel. Il devint le cœur du ravitaillement de la flotte du Ponant. La légende du plan Mollart (av. 1706) précise : "magasin général et l'étage au-dessus sert à faire les voiles dans le pavillon du côté de la forme et le logement du contrôleur de la Marine et à l'autre bout le bureau des classes". Cet ensemble immobilier fut incendié, à l'exception de la tour de l'horloge, le 30 janvier 1744.

 

Les bâtiments furent relevés en pierres de Caen par les ingénieurs Olivier et Choquet en 1745 et le magasin devînt l'un des fleurons du port en dépit d'autres incendies : du 3 juillet 1784 et de la nuit du 6 au 7 novembre 1861. Victime des bombardements alliés de la Seconde guerre mondiale il fut rasé après-guerre.

 

 

 "Parc" - enclos de travail, ici pour la "forme du Troulan", ou "forme de Brest", actuel bassin Tourville. Le "parc" s'étendait devant les magasins en bordure du quai à "my marée" sur lequel l'on trouvait une petite forge.

"Escrivains" - écrivains de la marine, "officiers de plume" subordonnés aux commissaires de la marine ; équivalent des ex-officiers subalternes d'administration.

"Champ de bataille" - (auj. Place Wilson) emplacement sur lequel s'exerçaient intra-muros les troupes de la garnison et les soldats des compagnies franches de la Marine. En 1697, les soldats de la garnison (armée de terre) casernés au château s'exerçaient du côté du "Parc-ar-Meazou" et des "Quatre Vents" (auj. cours Dajot, côté château) laissant le champ de bataille aux soldats de marine.

 

Illustrations (extraits de ) :

1640, Le magasin général côté ville dans la Topographie de Brest, par Petit (BNF Gallica, GED-3302(RES), en ligne) - 1667, "le grand magasin", côté Penfeld (SHD Marine Vincennes, coll. Nivart Ms. 144-207) - 1678, "Magasin général de l'arcenal pour les réceptions et pour les délivrances" et le chantier devant les magasins avec deux détails marqués (g) : "parque[t] servant aux boulets" et (h) forges pour les constructions (SHD Marine Vincennes, coll. Nivart, Ms. 144-199) - début 20e siècle, carte postale ancienne, Le port militaire avec en arrière-plan le Magasin Général (1745-1945), coll. auteur.

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