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TONNERRE DE ZEF

TONNERRE DE ZEF

blog d'OLIER LE BRIS, auteur des aventures d'Olivier Féas en Bretagne et en Nouvelle-France, au XVIIIe siècle.


EGLISE SAINT-SAUVEUR DE BREST-RECOUVRANCE

Publié par OLIER LE BRIS sur 8 Août 2016, 23:27pm

Catégories : #Balades, #Histoire

LA PLUME ROUGE vous présente :

 

Façade de l'église Saint-Sauveur de Brest-Recouvrance

Eglise Saint-Sauveur de Brest-Recouvrance

Etape précédente : Le Jardin des Explorateurs à Brest-Recouvrance.

Je reprends ma balade du 12 mai 2016 interrompue par le « mois des paquebots » et les mémorables et caniculaires Fêtes maritimes de Brest 2016… je m’en remets à peine. Je vous avais abandonné dans la partie haute du Jardin des Explorateurs (appelé aussi "Jardin de la Pointe" ou "Jardin de la Gendarmerie maritime") profitant de la vue sur la rade et sur le goulet, tentant de « voler » quelques instantanés à la « zone interdite » de Laninon… Aujourd’hui nous poursuivons par la rue de Rochefort qui nous mène directement au modeste parvis de l’église Saint-Sauveur de Recouvrance.

Brest-Recouvrance - L'église Saint-Sauveur, rue de l'Eglise (mai 2016).

Brest-Recouvrance - L'église Saint-Sauveur, rue de l'Eglise (mai 2016).

L’église Saint-Sauveur, rue de l’Eglise, est donnée comme la plus ancienne église du Brest de l’intra-muros. Bien que touchée par les bombardements de septembre 1944, elle a pu accueillir de nouveau le culte dans l’immédiat après-guerre, sans passer trop longtemps par la case « baraque » du Jeu de l'Oie de la Reconstruction. L’église a été construite d’après les plans de « l’architecte », ingénieur « ordinaire du Roi » Amédée François Frézier (1682-1773), ardent défenseur d’un style gothique fait de simplicité ; Frézier nous a laissé une « Dissertation historique et critique sur les ordres d’architecture » (Jombert, Paris, 1769). Ses connaissances encyclopédiques en architecture n’ont apparemment pas été mises en œuvre à Saint-Sauveur. Néanmoins, la modestie de l’ensemble, le caractère original d’un clocher-mur à trois baies, le fronton cintré, les grandes volutes terminales rappellent les églises sud-américaines construites par les Jésuites dont Frézier a pu s’inspirer lors de ses séjours ultra-marins ; il est l’auteur d’une « Relation du voyage de la mer du sud aux côtes de Chili, du Pérou, et du Brésil, fait pendant les années 1712, 1713 & 1714 » (Picart, Amsterdam, 1717).

L’église Saint-Sauveur a succédé sur le même emplacement, en bordure de fortification, à une chapelle éponyme construite en 1677-septembre 1678, agrandie en 1686, projet d'agrandissement de 1690, démolie en 1724 en raison de malfaçons. Peu de traces du mobilier de cette première chapelle Saint-Sauveur de Recouvrance si ce n’est la mention dans les archives de la construction d’un orgue (1694-1696), œuvre des facteurs d’orgues Thomas Dallan, le fils d’un réfugié anglais et de Michel Madé. Cet orgue devait être bien modeste en raison des difficultés de financement de l'édifice. L’on peut encore aujourd’hui admirer le somptueux travail de Thomas Dallan en visitant l’église de Guimiliau dont il construisit le grand orgue (1677). Mais revenons à Recouvrance et à sa petite chapelle Saint-Sauveur. L’activité du port et l’augmentation de la population rendaient nécessaires la construction de nouveaux lieux de culte sur la rive droite. En effet, Recouvrance n’était qu’une trêve de la paroisse de Quilbignon et sa chapelle Sainte-Catherine devenue chapelle Notre-Dame (av. 1473-1877), posée sur le quai de la Fosse, tenait lieu d’église paroissiale ; elle était secondée pour le culte par la chapelle Saint-Sauveur (1679-1724) proche du cimetière. De 1724 à 1746, les fidèles, dans l'attente de leur nouvelle église, pratiquaient à la chapelle de l'hôpital de Recouvrance (Saint-Yves) et à la chapelle de la congrégation des artisans (1723). Ce projet de construction d'un lieu de culte principal fut engagé dès 1729 sur des plans de Frézier. En 1746 l’église était enfin livrée au culte et le 17 mai 1750 (lettres patentes de juin 1750) Saint-Sauveur de Recouvrance, confiée à Mathieu Coussais son premier recteur, était érigée en paroisse autonome, déliée de Quilbignon.

Aujourd’hui, l’église qui s’ouvre sur une nef de neuf travées avec « chœur profond » et bas-côtés se trouve démunie de mobilier patrimonial. La Révolution, la première, a dispersé les biens paroissiaux en transformant la chapelle en « Temple de la Raison » (1794) ; les destructions de 1944 ont fait le reste. De l’église du XVIIIe siècle il ne reste qu’une grille en fer forgée clôturant les fonts baptismaux (1768?, 1788?). La seule œuvre d’importance de l’église est la statue mutilée et restaurée « Notre-Dame de Recouvrance » (v. 1805-1806 ?) que l’on doit au ciseau d’Yves Collet (1761-1843), sculpteur de la Marine originaire de Recouvrance ; il demeurait, en voisin, rue de l’Eglise. Un autel en granit (1953) peut encore être ajouté à cette courte liste.

Recouvrance - Le monument à l'Abbé Quéinnec, oeuvre de Yann Larc'hantec (mai 2016).

Recouvrance - Le monument à l'Abbé Quéinnec, oeuvre de Yann Larc'hantec (mai 2016).

L’église Saint Sauveur recèle pourtant un autre « trésor » quasi invisible celui-là, caché dans l’enclos paroissial : l’œuvre monumentale de l’artiste Yann Larch’antec (1829-1913) dédiée à l’abbé Yves-Marie Quéinnec (1853-1880), curé de Saint-Sauveur et bienfaiteur de Recouvrance, représenté grandeur nature, agenouillé en prière. L’histoire pérenne du "bon curé" mérite d’être « contée ». Qui connaît à Brest, à Recouvrance Yves-Marie Quéinnec ? Lequel parmi nous a vu sa statuaire, largement ignorée des guides patrimoniaux ? Lequel d’entre nous a arpenté une rue à son nom ?

Il était une fois… dans un Brest où le « Vivre ensemble » n’était pas encore d’actualité… où les rouges et les calotins s'insultaient copieusement, un curé qui décida de consacrer héritage et fortune personnelle aux Jeunes du quartier… Mais je m’emporte. J’en parlerai peut-être dans un prochain billet consacré au patronage laïque de Recouvrance lequel, en 1922, après une montagne de procédures judiciaires, s'installa dans le patronage religieux offert par l'Abbé Quéinnec. Un peu de patience.

Je termine ce petit billet par l’actuelle Place Amiral Ronarc’h (1954), du nom de l'amiral Pierre-Alexis Ronarc'h (1865-1940), ancien commandant de l’héroïque brigade des fusiliers-marins qui se couvrit de gloire à Dixmude, sur l'Yser, lors des combats de Belgique (1914-1915). « Dixmude » est l’ancien nom de la place qui en a porté près d’une dizaine depuis le XVIIe siècle… C’est l’emplacement du cimetière de Recouvrance, contigu à l’église à son origine (1690), qui s’étendait jusqu’au pied des « fortifs », vers la rue des Remparts. Ce cimetière dont on envisagea le tranfert intra-muros, vers les rues de la Porte et celle de la Congrégation, en 1779, fut en définitive transféré, hors les murs, en 1780-1782, en exécution des prescriptions de la déclaration royale du 10 mars 1776. Il est toujours en service : cimetière de Recouvrance. Un calvaire, non décrit à ma connaissance dans la littérature locale, jouxtant l’église - dans l’enclos paroissial ? – ne résista pas à la fureur anticléricale des sectionnaires brestois et fut démoli en 1794.

Mis à jour : 27 octobre 2022
Intérieur de l'église Saint-Sauveur (début XXe siècle) - coll. F. Olier.

Intérieur de l'église Saint-Sauveur (début XXe siècle) - coll. F. Olier.

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